Dès le 12 septembre 1973, Augusto Pinochet prend l'ascendant sur la junte et met fin aux espérances de la droite chilienne, des conservateurs et des démocrates chrétiens qui s'attendaient à récupérer le pouvoir exécutif. Au contraire, le Parlement est dissous. Le communisme est interdit, les partis politiques liés à l'Unidad popular et ceux d'extrême-gauche sont interdits, puis toute activité politique à l'intérieur du pays est suspendue. La liberté de la presse est supprimée, des livres sont interdits et brûlés42. Les responsables politiques locaux et l'ensemble des maires sont destitués, et leurs remplaçants sont nommés par la junte43. Des étudiants sont arbitrairement exclus des universités, des professeurs sont arrêtés, expulsés, torturés ou fusillés. Des militaires sont nommés à la tête de toutes les universités44. Les syndicats sont réprimés.
Près de 1 800 personnes sont assassinées dans les semaines qui suivent le coup d’État et des milliers d'autres emprisonnées, souvent torturées et parfois violées pour les femmes. Il s'agissait selon le chef de la DINA, la police politique du nouveau régime, de « terroriser le peuple pour l'empêcher de se soulever ». Selon lui, les ordres sur la torture venaient directement de Pinochet45. Durant les mois de septembre et octobre 1973, le général Sergio Arellano Stark est chargé par la junte de traquer des militants de l'Unidad Popular et du MIR figurant sur une liste préétablie. Cette caravane de la mort parcourt le Chili du nord au sud. Stark ordonne l'exécution d'au moins 72 militants de l'UP et du MIR et la torture d'une dizaine d'autres46.
En 1974, Pinochet charge Manuel Contreras de diriger la DINA, une police politique qui recourt aux « disparitions », aux assassinats, et à la torture47. La DINA, placée directement sous contrôle de Pinochet, est décrite dans les rapports internes de la CIA comme une Gestapo moderne48. La DINA dépend directement du général Pinochet et fait régner la terreur sur la société chilienne49. Les supplices de l'électricité, de la baignoire, de l'émasculation, de l'amputation des doigts et des oreilles sont couramment employés. Certaines unités se spécialisent même dans l'assassinat des prisonniers par enfermement dans un grand sac avec un condor45.
Dans le cadre du plan Condor, créé en 1975 à l'initiative du général Rivero, officier des services secrets argentins50, les opposants aux différents régimes dictatoriaux d'Amérique du Sud sont traqués et assassinés, y compris à l'étranger. Rassemblant six dictatures militaires d'Amérique du Sud (Chili, Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay, Uruguay), c'est une entente qui permet de traquer et d'assassiner les dissidents, hors de leur territoire national. Les exilés chiliens visés par ces opérations sont souvent des partisans de l'Unidad Popular et du MIR mais aussi d'anciens ministres ou militaires opposés au coup d'État comme Orlando Letelier, assassiné aux États-Unis51.
Le général Pinochet devient à l'époque le héros des milieux fascistes européens52. Ainsi, les néo-fascistes italiens sont-ils employés dans des opérations dans le cadre du plan Condor53,54. Au Chili, la Colonie Dignidad, dirigée par le nazi Paul Schäfer, sert de centre de torture pour les militaires et se voit accorder l'immunité pour toutes les exactions commises entre ses murs55,56,57.
En avril 1978, les lois d'amnistie garantissent l'impunité contre les poursuites judiciaires aux auteurs de crimes et exactions liés au coup d'État, commis entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978 à l'exception de l'assassinat de l'ancien ministre Orlando Letelier32. Il écarte également de la direction de la junte militaire son rival, le général Gustavo Leigh, commandant en chef de l'armée de l'air, qui s'était déclaré en faveur d'un plan de normalisation démocratique sur cinq ans, et l'organisation d'élections.
Chacun se fera son opinion, le nombres de morts, disparus, torturés exilés étant encore incertain mais relativement conséquent.