Chaque année ou presque, j'essaye de me rendre aux demi-finales du top 14. C'est l'occasion de rencontrer des forumistes. 2011, Marseille avec une grosse bande de RFistes et la rencontre des supporteurs de Decazeville qui a scellé une magnifique amitié. 2012, et pas de places pour Toulouse, mais un souvenir inoubliable du centenaire de Decazeville. Nantes en 2013 et la rencontre d'Asta, puis un formidable retour avec l'épopée de Chambéry en Fédérale 2, terminée par un titre et encore du bonheur avec les forumistes. 2014, Lille, RF au nord, ça pue aussi le rugby et la générosité. Un weekend inoubliable avec de nouveaux amis. Janvier 2015, je suis sur Facebook pour verifier les nouveaux like, lorsque je lis un message d'Eric. Ma petite femme est partie ce matin. Partie où ? En voyage, en vacances. Je lis les commentaires... des condoléances, des témoignages d'amour. qu'est-ce qui se passe ? Je parle à Camilla, la voix tremblante : Cam, Carine est morte, she is dead. Ma femme se fige me regarde, je pleure, je tremble. Il faut que j'appelle mon poto Eric. Eric et Carine ont été les premiers RFistes que j'ai rencontrés, avant vévé. Avec Eric en 2003, on se passait les dimanche soirs à échanger, rentrer les résultats. J'apprenais tout juste à coder. On refaisait le monde. Puis Eric s'est éloigné du forum, toujours prêt à filer un coup de main, puis il a été bénévole à Pessac, à Saint Médard. On ne s'appelait pas souvent, mais on avait toujours une pensée pour l'autre. La famille Torro était pour moi un exemple de bonheur, jusqu'à ce jour d'hiver 2015. Je suis descendu en Ariège pour dire adieu à Carine et dire à mon pote que j'étais là pour lui et ses enfants. Mourir à 42 ans, c'est pas une vie. Je lui ai promis de venir le voir bientôt, comme je le faisais depuis des années. J'ai donc réussi à avoir des places grâce à 2.28 et j'ai pris la voiture ce vendredi matin. J'allais enfin revoir Eric. Arrivé en début d'après midi, on attendait une copine qui venait de Toulouse. On a commencé à boire des bières, à parler boulot, rugby, les enfants. Puis on est allé chercher sa copine, on est rentré et mon Eric s'est mis à pleurer en s'excusant, simplement parce qu'il se sentait bien. C'est drôle un homme qui pleure. Dans un monde où l'on nous bassine avec la testostérone, un monde rempli de sexisme, de haine, de codes établis où un homme qui pleure est un être faible. La véritable force de l'homme est justement de pouvoir pleurer. Alors j'ai pleuré avec mon copain, parce que la vie est à la fois injuste et aussi rempli de ces petits moments de bonheur, et là, je pleure tout seule parce que je pense à la chance que j'ai. Cette chance de rencontrer des gens chaque année, de partager des moments. Oui, je suis là quand Chambéry ou Bourg en Bresse sont champions avec les Bernard, Lolo, Doudou, vévé et bien d'autres. Je suis là quand ça perd, quand ça gagne, quand ça chante, quand ça crie, quand ça encourage. Tout ça, ça me donne envie d'écrire quelques lignes, pour un film sur un stade aveyronnais en 2012 avec une foule pleine d'émotions. Un jour de printemps 2013, dans un stade rempli et mon équipe favorite qui remonte en fédérale 2 ou encore à Gerland, observant Jordan célébrer un titre. C'est comme cette personne, à Vienne, qui connaissait mon grand-père à Condrieu et qui m'offre une bouteille de gnôle, c'est Pierrick, du Boucau qui pendant longtemps a fait la promotion de RF dans la plaquette du club. Je sais que j'en énerve plus d'un, parce que je suis souvent décalé dans mes analyses, provocateur, que je n'aime pas les injustices, ni la facilité. Je n'ai pas que des copains par ici, mais j'aime à penser que la porte n'est jamais fermée pour changer. Mais quand votre poto de Lavelanet vous met la main sur l'épaule, esquive un sourire et vous dit merci mon ami, et que vous y voyez ce moment indescriptible de sérénité tout ça pendant un match du top 14, le temps s'arrête un instant et on apprécie juste d'avoir été là pour apporter ce moment de réconfort. A mon ami l'ariégeois, ces fistons. A Carine, on prend soin de lui, ne t'inquiète pas.