Le peu que j'ai pu lire de Pierre Camou, toujours discret, montrait un homme d'esprit, cultivé et perspicace. Si vous discutez avec ceux qui l'ont connu ou côtoyé, ils vous parleront d'un homme bon. J'ai combattu sa politique et l'image de la FFR qu'il représentait, mais le personnage m'a toujours fasciné.
On n'arrive jamais à la tête d'une fédération par hasard et Pierre Camou représentait l'héritage laissé par Albert Ferrasse et Bernard Lapasset avec toutefois sa revendication d'être du rugby de la terre, du village et de la convivialité. Il aimait cette image et prenait le temps de partager, loin des caméras, des journalistes, ces petits moments que l'on aime tous.
Il aura voulu apporter sa pierre à l'édifice, mais cette pierre, trop lourde, lui coutera plus qu'un échec politique. Le grand stade ne verra jamais le jour.
En ce jour d'élection de décembre 2016, mon premier regard est allé vers ce vieil homme qui semblait perdu et triste, venant de comprendre que le monde allait changer et que ces clubs qu'on lui disait acquis n'avaient plus la foi. Pourtant, il aimait le rugby des petits, mais les petits ne voulaient plus de lui. Je n'avais point de haine ou de défiance. Le match terminé, il est temps de boire un verre avec les adversaires, c'est l'ADN du rugby. Mais je me souviens avoir pensé, sans mal ou souhait de ma part, qu'on venait de le tuer. Aussi violente puisse être cette image, j'ai eu mal pour lui. Après cette journée, nous ne l'avons plus revu.
La maladie aura pris le relais. C'est là le véritable ennemi, guettant vos faiblesses et votre détresse, s'acharnant comme un être sans coeur avec ses armes de souffrance et de dépendance. Nous le savions, et les nouveaux dirigeants, anciens adversaires, prenaient des nouvelles et nous informaient.
J'aime à penser que Pierre s'est d'abord comporté en pilier face au mal, comme sur les terrains qu'il a connus dans sa jeunesse, du Pays Basque à Bordeaux. Se battre et ne pas lâcher. Puis, sachant le match perdu, il a dû prendre le temps de se remémorer les bons moments, à commencer celui sur les bords de la Nive avec son frère Jean-Gabriel, lorsqu'en 1963, ils décidèrent de créer l'US Garazi. Ce club qui fusionnerait 40 ans plus tard avec son voisin l'US Baïgorri, deviendra rapidement un club formateur grappillant quelques titres de champions de France. Enfin, Il y aura le temps d'accueillir la mort en amie fidèle qui lui permettra enfin de se reposer en laissant le chagrin aux proches et amis.
Nous avons perdu un monsieur du rugby qui restera dans l'histoire du rugby, quoi qu'on en dise. C'est ce qui fait la richesse de notre histoire et la force de notre rugby.
Au revoir Pierre.